By Anarkia333 |
2008
360

Au Collège de France, je traiterais ce sujet en trente leçons en commençant par la Chine, l'Egypte, l'Assyrie et la Grèce. Ici, je ne vais évoquer que les aspects les plus marquants des rapports entre les sciences et la société à l'époque contemporaine, modeste introduction aux textes qui suivront.

Depuis trois siècles, la science imprègne la société de façon diffuse. Si la grande masse de l'humanité se comporte en fonction de croyances populaires, magiques et, dans le meilleur des cas, de croyances religieuses qui la relient à la nature, au monde sensible, elle baigne de plus en plus, par son environnement quotidien, dans une culture technico-scientifique. Et l'enseignement est fondamentalement tourné vers cette culture.
Il n'est donc pas indifférent de voir comment ces deux rapports au monde se concilient ou se contrarient. La des­cription que la science fait de l'Univers, mais aussi du corps, l'interprétation qu'elle s'efforce de donner de la liaison du corps et de l'esprit, sa quête d'unité, la place qu'elle fait ou refuse à l'aléatoire, à la liberté, son évolution en fonction de sa logique propre, mais aussi des questions que lui pose la philosophie, tout cela ne peut pas ne pas influencer notre regard et notre comportement.

Il se trouve qu'au cours du XXe siècle la science a changé à la fois de paradigme et de visée. Disons, en quelques formules lapidaires, que la chimie n'est plus lavoisienne, que la physique n'est plus laplacienne, que l'astronomie n'est plus newtonienne, que les dogmes de la biologie évolutionniste se fissurent, que la science économique s'est développée jusqu'à une abstraction vertigineuse, que le début du siècle a vu, grâce à Planck, l'effondrement de la croyance au continu, croyance sur laquelle sont bâties les mathématiques classiques, ce qui a conduit à inventer des mathématiques statistiques adaptées au discontinu ; enfin, que la fin du XXe siècle a permis de vérifier l'une des plus extraordinaires prédictions de la mécanique quantique, celle de la non-séparabilité, révélant ainsi l'existence d'un «réel voilé» pour parler comme d'Espagnat ou d'un «monde impliqué» pour reprendre l'expression de David Bohm.

La science a dans le même temps changé de visée. D'orgueilleuse et sûre d'elle, elle est devenue prudente. Un savant qui annoncerait que la connaissance du monde est achevée, comme le fit Berthelot au début du XXe siècle, se ridiculiserait. François Jacob écrit : «Le début de la science moderne date du moment où, aux questions générales, se sont substituées des questions limitées.»
Comment cette évolution de la science, et comment ses prodigieuses applications, de l'espace à la génétique, interfèrent-elles avec la société ? La société est faite à la fois des personnes qui la composent et des Etats qui l'administrent et la gouvernent.


Présentation de l'éditeur
20 personnalités, dont 7 prix Nobel, s'expriment sur les grands défis qui attendent l'humanité au XXIe siècle et sur les implications technologiques, philosophiques, voire métaphysiques, de la science.

Cet ouvrage rassemble des contributions de personnalités – dont sept prix Nobel – provenant des sciences de la matière, de l'univers et de la vie, mais également des sciences de l'environnement, de l'économie et de la philosophie. Elles abordent la plupart des grands défis que pose à l'humanité le progrès des connaissances scientifiques, les implications philosophiques et métaphysiques de certaines de ces avancées, les limites à ne pas franchir, les garde-fous éthiques à mettre en place et les solutions possibles. Quatre prix Nobel de médecine se livrent notamment à un débat sur la nature de la vie et le processus de l'évolution. Ce livre permet de faire le point sur toute une série de questions allant de nos connaissances en science fondamentale au réchauffement climatique, à la mondialisation, aux OGM et au clonage tout en passant par des considérations d'ordre philosophique et même théologique. Il est rare de trouver dans un seul ouvrage des textes couvrant des champs aussi divers avec néanmoins une cohérence interne : celle selon laquelle l'homme doit toujours être placé au centre de nos préoccupations.